Nabil Zouari nous a fait l'honneur de nous faire partager son parcours à l'ENTPE, d'étudiant, en cursus ingénieur, à docteur, après une thèse sur le thème "Derrière le "ghetto", la centralité minoritaire : le rôle de la présence commerciale dans un quartier d'habitat social en rénovation". Un passionné des enjeux politiques, économiques et sociaux de l’aménagement des territoires.
"J’intègre l’ENTPE en 2012 en vue de décrocher le diplôme d’ingénieur des travaux publics de l’État et en 2020 je soutiens une thèse de doctorat.
D’abord, lors de mes 3 premières années, je réalise le double cursus d’ingénieur-architecte. La 3e année, j’obtiens également un diplôme de master 2 à l’Institut d’urbanisme de Lyon (IUL). Ce triple cursus, si riche en matière d’apprentissage, m’a permis de me spécialiser dans les projets urbains notamment ceux qui prennent forme dans les quartiers populaires. Je m’efforce alors d’observer ces quartiers depuis plusieurs points de vue (habitants, commerçants, associations, techniciens de l’État et des collectivités, élus…).
Je constate à ce moment le fossé qui sépare les habitants et les entrepreneurs, des décideurs publics et la tension qui règne notamment autour du quartier du Mas du Taureau. Un point en particulier m’interpelle, le centre commercial de ce quartier, pourtant très fréquenté, est destiné à la démolition. Je décide, avec l’appui et l’aide d’Éric Charmes, directeur du laboratoire de recherches interdisciplinaires ville espace société à l'ENTPE (qui sera alors mon directeur de thèse), de proposer un sujet de thèse. Ce dernier sera retenu et obtiendra les financements du Ministère de la transition écologique et solidaire.
/// 2015 marque le début de la thèse de doctorat
Cette thèse analyse le rôle du commerce dans un quartier défavorisé de grand ensemble. Elle évalue notamment la capacité d’un centre commercial dévalorisé aux yeux des acteurs publics, à jouer le rôle d’espace "tremplin" pour les habitants du quartier. Alors qu’un grand nombre de plateformes commerciales de grand ensemble d’habitat social ont connu, dès les années 1970, un déclin de leur commercialité, le centre commercial du Mas du Taureau affiche une bonne santé économique avec d’importants chiffres d’affaires, un faible taux de vacance et peu de rotation.
Cette thèse propose de comprendre d’abord comment cet espace marchand de banlieue a pu s’adapter à la paupérisation du quartier d’implantation ou au déploiement des hypermarchés en périphérie. La thèse commence par explorer les capacités de résilience des commerçants du Mas du Taureau et leurs stratégies de développement économique. Celles-ci s’inscrivent notamment dans une dynamique commerciale collective fondée sur le modèle "petits paniers, beaucoup de paniers".
Au-delà de son ancrage dans le quartier, le centre commercial a été capable de rayonner dans un vaste quadrant de l’aire métropolitaine lyonnaise. En effet, l’enquête montre que la bonne santé économique et la forte fréquentation du centre commercial dépassent les standards de la polarité de proximité. La thèse analyse donc les principaux facteurs qui ont permis ce passage non programmé d'une polarité de proximité vers une centralité commerciale qui s’appuie, entre autres, sur un marché bihebdomadaire de quelque 200 étals.
L’attractivité du centre commercial du Mas du Taureau donne à voir. La thèse porte donc une attention particulière à la dimension ethnique et culturelle de cet espace marchand et s’attarde sur les quelques marqueurs ethniques formés localement et qui procurent à l’offre commerciale du Mas du Taureau une image de centralité minoritaire.
La thèse examine enfin le point de vue des décideurs publics locaux. Ceux-ci perçoivent souvent cet espace marchand au prisme du communautarisme, conduisant à de nouvelles formes de régulation publique. La polarité commerciale se trouve ainsi administrée par de puissants outils de gestion qui l'installent au centre d’une tension durable. Aujourd’hui, la réussite économique de la polarité commerciale n’est pas reconnue et son maintien ne semble pas envisagé. À travers l’analyse du projet de rénovation urbaine en cours, la thèse met à jour les représentations et les jeux d’acteurs qui fondent l'idée de détruire un centre commercial dynamique pour en reconstruire un autre à l’avenir incertain.
/// 2020, une soutenance en visioconférence ZOOM
La thèse a été soutenue à l’ENTPE le 12 juin 2020.
La crise sanitaire Covid-19 nous a conduits à l’organiser en visio-conférence via l’outil ZOOM. Nous étions 4 dans une salle de l’ENTPE (le directeur de la recherche Luc Delattre, Éric Charmes, mon épouse et moi). Une partie du jury (René-Paaul Desse, Sylvie Fol, Annick Germain depuis le Canada et Patrick Simon) a évalué mon travail depuis leur domicile.
Au départ de la soutenance, près d’une quarantaine de personnes ont répondu présentes. La soutenance s’est parfaitement déroulée suivant le protocole d’une soutenance de thèse. À la suite de la délibération du jury, les invités ont pu activer leurs micros et caméras, laissant place à un moment convivial malgré la distance qui nous séparait.
Le recours à la visioconférence a permis à des collègues, familles et amis de France entière et des quatre coins du globe (Canada, Indonésie, Tunisie, Royaume-Uni, Mayotte…) d’assister à la soutenance ! Mon passage à l’ENTPE marque ainsi un moment si important d’un point de vue professionnel, mais aussi personnel, et cela grâce à l’ensemble de l’équipe du laboratoire RIVES en vers qui je suis si reconnaissant. Merci à vous tous !!!"
Crédit photo : Nabil Zouari